Nancy, Maude et Charles

Jardin d’Aillon

SAINT-AUGUSTIN-DE-DESMAURES / CAPITALE NATIONALE

Par Amélie Masson-Labonté 

Fin juin, je passe près de Québec et j’aimerais arrêter à Saint-Augustin de Desmaures rencontrer les agriculteurs du Jardin d’Aillon. Pendant deux jours Nancy et moi on joue à la tag téléphone avant de réaliser qu’on va se croiser … sur l’autoroute! Pas de chance, au moment où je monte vers Québec elle sera en route pour livrer de la fleur d’ail à Montréal. Son fils Charles travaille ce matin-là, mais en retardant un peu mon départ on trouve un 45 minutes où Maude, la belle-fille de Nancy et conjointe de Charles pourra me recevoir. Bingo!

Tour du propriétaire

Il pleut à mon arrivée à Saint-Augustin-de-Desmaures. Une pluie fine qui ne nous empêche pas d’aller voir les champs. J’enfile mes bottes, mon imperméable, et je suis Maude à travers les rangs. Ils ont planté plus près de la maison cette année pour faciliter les visites. Eh oui, il y a de plus en plus de curieux qui demandent à voir les plants et comprendre comment pousse l’ail. 

La terre est noire et riche, et la fleur de leurs 18 000 plants vient tout juste d’être récoltée. Leurs frigos sont pleins à craquer mais ce n’est pas suffisant : « On en amène chez mon beau-frère » me confie Maude en enjambant une rangée au feuillage vert tirant sur le jaune pâle aux pointes. « Il a une fruitière à Saint-Lambert. Pour l’instant on entrepose comme ça chez eux par ce qu’on n’est pas encore équipé en terme de bâtisses ». 

Depuis trois ans, l’ancienne écurie leur sert de séchoir à ail mais c’est une solution temporaire. Elle et Charles rêvent de se remettre à l’élevage, en particulier de petits veaux, alors la construction d’une installation dédiée à l’ail va être nécessaire pour récupérer le bâtiment.

Près du poulailler à trois poules (ça leur suffit amplement!) se trouve un hangar où Charles bricole la machinerie. Ça leur permet de mécaniser certaines tâches petit à petit. Cette année les doigts bineurs minutieusement ajustés sous le tracteur sont venus donner un gros coup de pouce au désherbage manuel. Je demande s’il a un background en mécanique. Maude répond confiante « Il a un background en fermier » Ah! Ça fait pareil. Évidemment.

Un projet familial

Dans son emploi « de jour » Nancy est ergothérapeute, Maude est psychoéducatrice et Charles débardeur au port de Québec. À la ferme aussi le travail est bien divisé ; Charles s’occupe de la régie des champs, des constructions et de la machinerie, Nancy est à la mise en marché et Maude aux commandes et aux réseaux sociaux. Ils sont aussi entourés d’un cercle rapproché de famille et d’amis enthousiastes toujours prêts à donner un précieux coup de main.

Alors qu’on visite la nouvelle chambre d’entreposage construite dans l’écurie je commence à voir émerger les origines du projet. Il faut remonter aux années 1990, moment où Nancy et Marco, les parents de Charles se lancent à l’aventure. Ils partent fonder un ranch en Colombie-Britannique où ils font l’élevage de bœuf Angus. C’est là-bas que Nancy a un coup de cœur pour l’ail. De retour au Québec en 2001, le couple achète la terre de Saint-Augustin-de Desmaures et se remet l’élevage bovin « de loisirs » c’est-à-dire qu’ils mènent aussi chacun une carrière de front. Les enfants grandissent entourés de chevaux, veaux, poulets et d’un petit jardin où Nancy fait pousser leur ail de consommation.

Nouvelle aventure, seconde génération

Le Jardin d’Aillon voit officiellement le jour en 2019 alors que Charles et Maude rachètent la terre. L’objectif? Se lancer dans la production commerciale d’ail avec le soutien de Nancy. Maude vient de la ville, mais « l’agriculture, on dirait que c’est quelque chose que t’a en toi ou que t’a pas ». Chez elle c’est naturel! Elle m’emmène voir son potager, un projet personnel où elle teste des cultures de concombres, betteraves, bock choy et melons pour fournir un restaurant du coin.

La première année test en 2018, ils plantent 6000 caïeux et la récolte est bonne. Cela donne l’élan pour passer à 9000 plants en 2019. Puis arrive la sécheresse à l’été 2020. À cause du manque d’eau le calibre est tellement petit qu’ils sont incapables de fournir les volumes promis aux chaînes alimentaires. Pour honorer le plus de commandes possible ils vendent leur ail jusqu’à la dernière gousse. Tout ce qui leur reste de la récolte 2020 c’est un bouquet de quelques têtes qu’un monsieur a oublié. C’est parfois rempli de sacrifices la vie de fermier, mais parfois c’est l’abondance aussi. 

Croissance, sans perdre l’essence

La récolte des 18 000 bulbes de 2021 s’annonce prometteuse. Je comprends que le défi à travers la croissance, c’est de trouver le juste équilibre entre la mécanisation et la rentabilité sans sacrifier le contact humain. Oui ils souhaitent augmenter de volume, automatiser certaines étapes et poursuivre la vente en gros mais ils veulent continuer à voir les gens du voisinage venir chercher leur tresse d’ail à chaque fin d’été et contribuer à cette sociabilité.

Je dois reprendre la route mais avant de partir j’admire les magnifiques affiches noir et vertes du Jardin d’Aillon. « C’est ma belle-sœur qui les a conçues » précise Maude, « elle étudie en art » et Nancy les as peintes à la main. C’est ça je me dis en quittant la ferme, qui fait toute la force du projet, toute la communauté qu’on sent derrière pour les accompagner.  

Jardin d’Aillon

344 rang Petit-Capsa
Saint-Augustin-de-Desmaures
Québec, G3A 1W8
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(418) 878-8599

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