François Thibeault

Ail du Moulin

CHICOUTIMI / SAGUENAY-LAC-SAINT-JEAN

Par Amélie Masson-Labonté 

En visite quelques jours au Saguenay, Sophie Limoges (présidente du CA) m’emmène rencontrer les producteurs d’ail de la région. Nous prenons d’abord la route de Chicoutimi pour aller rendre visite à François Thibeault à la Plateforme bioalimentaire boréale Solidar. Grâce au soutien d’Agri-conseils et de l’incubateur Agricole Boréal, François bénéficie d’un accompagnement sur 5 ans incluant la location de terre dans l’ancienne ferme des Sœurs du Bon Conseil, l’accompagnement pour la certification bio, l’accès à un tracteur, de la machinerie et même aux services d’un agronome!

Mériter son ciel

Il a plu la veille. À peine descendues du camion nos pieds s’enlisent dans une boue collante mais encore relativement gérable en terrain plat. Impossible de se rendre au champ en voiture avec une boue pareille, précise François, il faut monter à pied. Le suivre sur la pente douce qui mène aux champs est une autre paire de manches ; la terre argileuse s’est transformée glissoire. Après quelques sauts d’équilibristes on finit par atteindre le sommet, posant nos pieds sur les mottes de gazon qui émergent ici et là. Mais rendus en haut, quelle récompense! Un panorama vallonné s’étend sous les nuages jusqu’aux montagnes bleutées du fjord, c’est à couper le souffle.

Un « side-line » qui prend de l’expansion

Au printemps 2018, après avoir brièvement hésité entre la culture de bleuet, de camerise ou d’ail, François fait l’achat de son premier 20 Kg de semence, qu’il plante sur une terre à Saint-Félix d’Otis. Satisfait du test printanier il retourne acheter 800 kg d’ail pour le planter dès l’automne de la même année. Toute une croissance! Sauf qu’il pleut sans arrêt et ses plans tombent à l’eau. Impossible de planter trois rangs. Il se résigne à un deux rangs sur butte, ce qui le laisse avec 150 à 200 kg d’ail non planté. Par chance, Sophie (Importations Allium) fait une exception et lui rachète sa semence. « Ça m’a sauvé la vie » nous confie François encore reconnaissant.

Moins de bras, plus de machines

L’année suivante il fait le grand saut. Il vend les parts qu’il possédait dans une entreprise de soudure et quitte le secteur industriel dans lequel il a travaillé toute sa vie. Il entreprend un certificat en marketing et se lance dans son premier vrai été de culture en 2019. Il a, à l’époque, des partenaires, mais ces derniers se retirent découragés par les mauvaises herbes et une première récolte sans rendement. Il n’y a plus désormais que Francois et son père dans le projet. Pour pallier au manque de main d’œuvre ils font beaucoup d’acquisitions ; une sarcleuse, une brosseuse, un planteur mécanique et bientôt c’est la récolteuse qui s’en vient, « Alors à part la fleur d’ail on est presque capable de tout faire à deux ! »

Dérapage

Les rangs encore bien verts ondulent en longs rubans sous l’horizon. « Ici c’est 150 000 plants de Music planté à l’automne, et là-bas (il pointe une autre parcelle vert tendre près d’un boisé) « c’est de la française, un col mou de printemps. On est à 70 000 caïeux dans ce champ-là ». Loin en bas de la pente un gars nous fait de grands signes de la main « Hey François est-ce que tu vas pouvoir m’aider? ». C’est un maraîcher voisin avec un camion enlisé dans la boue.

– À te pousser?

– Non à me tirer. Je pense que le char s’en va par en bas.

Le pick-up a en effet un angle plutôt bizarre, il tire sur la gauche là où une pente assez abrupte déboule vers le champ en contrebas. François confirme « Ouin. On peut pas passer quand y pleut ». Le voisin est nerveux « J’avais hâte que ça arrête, je le voyais glisser ». « Ah c’est sur tu t’en vas en bas ! » rajoute Sophie. Pas moyen de le tirer par en avant de peur d’arracher le bumper, ça prend une chaîne sur la boule arrière et François va le dégager avec le tracteur.

– Vide les semis de ton camion je finis mon meeting, ça sera pas long.

– Ouais pas de trouble, réponds le voisin d’une voix mal assurée.

Et …conclusion!

En marchant vers le hangar, François préoccupé nous dit qu’il n’a aucune nouvelle de sa récolteuse qui devait arriver en juin, retardée par la grève des débardeurs du port de Montréal. Il nous montre sa brosseuse, sa craqueuse, des sièges à désherber qu’il s’est fabriqué avec des chaises d’école primaire en plastique. « On en patente-tu des affaires pareil ! » rigole Sophie. Comme François transforme une bonne partie de sa récolte en pâte d’ail et en ail noir on jase de transformations. Il y a encore beaucoup d’éducation à faire. En épicerie les gens sont souvent rebutés par un sachet à 10$ mais lorsqu’ils goûtent au produit, la saveur complexe reste en bouche …  C’est pas rare qu’après avoir refusé d’acheter les gens repassent 3, 4 ou 5 minutes plus tard « Ah finalement on va-t’en prendre un ! » On éclate de rire quand le voisin maraîcher refait surface. « Hey t’en es-tu sorti? » demande aussi tôt François. « Non … » fait-il mal à l’aise de nous interrompre « Y glisse encore … ». Sophie et moi prenons congé alors que François et le voisin se précipitent vers le camion.  

 

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