Sylvain Fillion

Le Maraîcher des Basses Terres du Saguenay

CHICOUTIMI / SAGUENAY-LAC-SAINT-JEAN

Par Amélie Masson-Labonté 

Pour le deuxième arrêt de mon parcours saguenéen, Sophie m’emmène rencontrer le maraîcher des Basses Terres sur le chemin des Terres Rompues. La route en pente raide nous conduit à un champ de trois hectares en bordure de rivière où nous attends Sylvain. On entame la promenade d’un pas tranquille zigzagant entre les allées de terre argileuse où l’ail pousse dru. Sans presse, la conversation dérive d’un sujet à l’autre sous la brise d’été ; mauvaises herbes, plantation, engrais, tout y passe. « En as-tu eu toi de la teigne? » …. « Zéro cette année! » s’exclame Sophie, fière d’avoir été épargnée par l’insecte le plus redouté des ailliculteurs. On passe devant quelques rangs de Messidor, puis d’ail Music, jusqu’à une petite patch d’ail Éléphant. Je goûte la fleur d’ail charnue de cette variété mammouth pour la première fois, crue. La saveur douceâtre quelque part entre l’asperge et le poireau tranche avec la fraîcheur et la vivacité de la tige croquante. C’est bon.

Un chemin pas passant

Ça fait déjà 10 ans que Sylvain et son épouse Jocelyne se sont établis sur les terres actuelles. Sur le lot 1 ils cultivent principalement de la framboise, du maïs sucré et de l’ail. « On n’est pas des producteurs d’ail, nuance Sylvain, on est des producteurs maraîchers qui font de l’ail ». Comme plusieurs, je me dis. Ils se font rares les maraîchers en monoculture. Avec la framboise presque toute en autocueillette, le maïs, l’ail, l’échalotte et la gourgane il a de quoi remplir son kiosque de vente en bordure de champ. Ne vendant ni en marché public ni en épicerie, Sylvain écoule 100% de sa récolte directement à la ferme. C’est toute une chance de pouvoir vendre ses produits sans avoir à se déplacer, d’autant plus que le chemin n’est pas très passant! C’est l’affiche en haut de route et la cueillette de framboises qui lui amènent le trafic nécessaire, avec un seul bémol : la pluie.

Y pleut, y mouille c’est la fête à la grenouille

Le jour où on visite la ferme de Sylvain trois jours de bonne pluie viennent d’arroser la terre jusqu’à plus soif. « Va falloir qu’il arrête de mouiller » déclare t’il sombrement.  L’inquiétude est palpable. C’est que l’équilibre entre trop de pluie et pas assez, est plutôt fragile. Dans son cas, trop de précipitations ça peut donner un ruisseau qui déborde emportant une partie des récoltes, comme ses échalotes françaises à l’été 2020. Quand les framboises sont à maturité c’est encore pire ; une semaine de pluie, c’est une semaine où ça cueille pas, c’est une semaine de pertes. « Plus t’en a grand, plus t’en perds » résume l’agriculteur prosaïquement.

Fermier, menuisier et quoi encore?

Puis, le moment tant attendu arrive enfin. On se dirige au bout du champ vers le pont couvert qui me fait de l’œil depuis notre arrivée. Ce petit bijou d’architecture rustique nous permet d’enjamber le ruisseau vers un deuxième lot où Sylvain fait des essais avec la fraise d’automne. Fabriqué à partir de différentes essences d’arbres trouvées sur le terrain, le pont a encore la teinte dorée du bois neuf et sent le bran de scie à plein nez. On en retrouve d’ailleurs les copeaux odorants répartis autour des plants de fraises quelques pas plus loin. Après le bidouillage artisanal de machinerie agricole, je commence à réaliser que le travail du bois est un talent particulièrement développé chez les maraîchers du Québec ; le pont couvert de Sylvain en est un bel exemple, tout comme le coquet kiosque à légumes avec sa porte rouge framboise et ses volets de bois.

On fera plus l’an prochain

Sur le chemin du retour on fait un brin de jasette avec Jocelyne en train de désherber les framboises, à bonne distance de la petite chienne familiale attachée à un piquet. La bonne nouvelle c’est que chaque année la demande pour l’ail augmente, et petit à petit la production suit : « Tu vois cette année on est obligés d’arrêter les réservations, tout mon champ est vendu! » On fait un petit post sur Facebook en juin « C’est le temps de réserver votre ail » et puis ça part, 650 Kg d’ail. Pour peu Sylvain regrette de ne pas en avoir planté davantage à l’automne précédent. « Il faut quand même que j’en garde un peu pour quand mon kiosque va être ouvert. C’est plate si les gens arrêtent et qu’il n’y a plus d’ail à acheter! »

 

Curieux voisinage

Sylvain nous ramène vers la voiture pointant son doigt en direction de la rivière Saguenay où une silhouette abrupte surplombe étrangement le vide. Ce sont les vestiges de l’ancien pont de Saint-Jean Vianney, emporté avec la coulée de boue qui détruit le village le soir du 4 mai 1971 pendant une partie de hockey. Depuis le glissement de terrain, l’ancienne municipalité est devenue propriété du gouvernement provincial. Québec a bien tenté de louer les terres aux agriculteurs des environs, mais sans succès. Personne ne veut exploiter les terres abandonnées à mi-chemin entre la curiosité touristique et le lieu de rencontre insolite pour les locaux en VTT. Sylvain fait au revoir de la main et nous quittons silencieusement la ferme avant d’aller nous recueillir entre les ruines saisissantes de St-Jean Vianney.

 

Le Maraîcher des Basses Terres du Saguenay


Chemin Wilson, Terres Rompues du Saguenay

Chicoutimi, Québec
G7H 5B2
sylvainfillion@videotron.ca
(418) 290-1704
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