Stéphane et Sophie

Pépinière Boucher

SAINT-AMBROISE / SAGUENAY-LAC-SAINT-JEAN

Par Amélie Masson-Labonté 

J’arrive à Saint-Ambroise en fin d’après-midi retardée par une pluie torrentielle qui coince toute une filée de voiture à 60 km/h sur une bonne partie de la réserve faunique des Laurentides. Puis, le ciel s’éclaire enfin. Je passe au motel déposer mes bagages et m’en vais trouver Stéphane et Sophie confortablement installés sur leur patio, en train de faire griller des ribs dans le soir qui tombe. Mis à part le chien qui m’accueille bruyamment, ils ne sont pas seuls. Par le plus grand des hasards, l’ancien DG d’Ail Québec fait le tour de la province à moto et a décidé ce soir-là de s’arrêter au Saguenay. Toute une coïncidence!

La conversation saute joyeusement du coq à l’âne, mais mine de rien les bouts d’histoires et les anecdotes qui s’enchaînent mettent la table pour l’entrevue du lendemain. Il est question des allers-retours en avion de Stéphane une semaine sur deux vers une pépinière qu’il dirige en Abitibi, de la ferme bovine de ses parents, de plants forestiers, de fleurs, de tests d’ail noir qui tournent au cauchemar, de travailleurs étrangers et de pénurie de pots. Je ne m’y retrouve pas encore mais ça n’importe pas vraiment. Avec nos patates au four on teste la tartinade à l’ail de Sophie, une sorte de beurre fouetté ultra léger qu’elle vient de rapporter du laboratoire culinaire avec qui sont élaborés plusieurs produits transformés. Délicieux.

Tour du propriétaire

La soirée s’achève tard mais je suis à l’usine à 7h sharp. Café à la main on quitte la quiétude des bureaux pour pénétrer dans l’univers bruyant de l’usine de plants forestier. Pendant que Sophie me montre la ligne d’ensemencement, les machines dessinées par Stéphane, le semoir à aiguille et les cabarets à 288 ou 512 alvéoles je m’inquiète de la qualité du son. Les machines font tellement de bruit que je ne suis pas certaine de pouvoir réécouter la bande audio. Les employés s’affairent, rapides et concentrés. Je m’arrête fascinée devant une jeune mexicaine qui repique les doublons de pin gris dans des alvéoles vides à la vitesse de l’éclair. Elle enchaîne cabarets après cabarets jusqu’à ce que la machine coince et que Stéphane se précipite pour l’aider. En haut de la mezzanine se trouve le laboratoire de R&D qui sent la terre humide. Ç’est là qu’est nettoyée, stratifiée et testée la semence de conifères indigènes ramassée en forêt, et là aussi qu’est développée la semence d’ail saine à partir de bulbilles.

En chemin vers la sortie Sophie se fait apostropher plusieurs fois en espagnol par ses employés. Elle se débrouille plutôt bien : « La première année je savais dire si, no, cervesa, por favor, mais au fil du temps je n’ai pas eu le choix d’apprendre. Duolingo ça donne la base, mais là je me suis inscrite à l’université. Je veux être capable de traduire les verbes. Là je parle comme un robot espagnol! » Je ris, et on débouche dehors. On saute dans un kart de golf, stationné devant la machine qui pousse les bottes de tourbe à l’intérieur à un rythme régulier. La brise dans le visage on longe une allée interminable de tunnels de plastique brillants, alors que la voiturette hoquète sur les ornières des chemins traversant les 50 acres de pépinière. Je pose enfin les questions qui me brûlent les lèvres depuis la veille : Quel est le lien entre les plants forestiers et le bœuf? Qui sont leurs clients? Pourquoi l’ail?

Du bœuf à l’ail, en passant par les plants forestiers

Des clients, il y en a un seul, le Ministère Forêt Faune et Parcs (MFFP), pour la pépinière du moins. Tout a commencé en 1985, avec un appel d’offre ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec pour la production de plants forestiers. À la base, la ferme familiale se consacrait au bœuf de boucherie avec une production de 250 bêtes par année, mais intéressés à se diversifier, les parents de Stéphane ont soumissionné « juste pour voir » et à leur grande surprise, ils ont remporté le contrat. Au début c’était une production assez modeste avec un volume annuel de 4 millions de plants. Puis, par choix, les animaux ont laissé la place à un volume de production grandissant. 

En 1994, Stéphane prend le relais de ses parents. Il rachète la ferme et hérite du contrôle des opérations. Vingt-huit ans plus tard, il est président de l’Association des producteurs de plants forestiers du Québec et la Pépinière Boucher est un des plus gros producteurs en volume de la province. Concrètement ça veut dire quoi? Une usine qui roule de 7h à 19h, 6 jours par semaine avec 80 employés en haute saison et une production annuelle de 20 millions de plants, soit environ 50 millions de plants en production continue (les plants demeurent trois ans en production). Heureusement, la relève est déjà assurée, ce qui permet au couple de se concentrer sur le développement de l’entreprise en toute quiétude.  

Dans le secteur environnemental depuis toujours Sophie était directrice principale chez NewAlta, un centre de traitement de déchets dangereux à Chateauguay, avant de rejoindre la Pépinière Boucher en 2016 à la suite de coupures massives. Spécialiste en re-végétalisation de sites contaminés elle se joint avec bonheur au volet horticole au développement de semences indigènes de la pépinière. Et l’ail? « Oh l’ail c’était au départ pour le côté pratique, pour occuper les employés dans les creux de saisons. C’est une culture d’automne tout à fait complémentaires aux plants forestiers qui eux sont en pleine activité au printemps. »

Une nouvelle usine … juste pour l’ail! 

Depuis quelques années le volet ail prend tout de même beaucoup d’ampleur, et ce, dans tous les aspects de la production. Que ce soit dans la semence avec Importations Allium, la culture qui oscille entre 15 à 18 hectares par an, et la transformation avec la gamme de produits Oh M’ail M’ail. En 2020 la croissance se poursuit avec un investissement de 3 millions pour l’acquisition d’une ferme avoisinante comprenant une usine de transformation et plusieurs bâtiments d’entreposage qui seront dédiés à l’ail. Afin de répondre à une production annuelle qui passera bientôt à 25 hectares, le complexe comprend une salle de séchage d’une capacité de 500 pallox, des bureaux, une cuisine MAPAQ actuellement sur la table à dessin, un double quai de chargement ainsi qu’une salle d’emballage et de congélation. Le congélateur de 80 x 60 pieds, déjà trop petit, sert principalement pour la conservation de l’ail, la transformation, l’entreposage des semences de printemps pour l’entreprise et ses clients.

Ce qu’il faut retenir dans la culture de l’ail au Québec, me dit Sophie en terminant, c’est qu’on travaille fort, mais quand on y met l’effort, les débouchés sont là! 

 

 

Pépinière Boucher

94 rang des Aulnaies
Saint-Ambroise-De-Chicoutimi
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